Je perds complètement le fil des jours qui passent. Je ne sais jamais à quel moment de la journée nous sommes. Enfin… si. Je m’en rends compte quand j’ai enfin une pause dans mon travail. Donc, quand je rentre chez moi, que je regarde par la fenêtre, ou maintenant alors que j’attends quelqu’un.

Mon bienfaiteur n’est pas beaucoup présent au bar à cause de certaines activités. Je n’ai pas vraiment compris de quoi il s’agit puisque je n’ai fait que surprendre une conversation qui ne me concernait pas alors que je rangeais la salle du bar. Mon patron se vantait alors auprès des collègues parce que cela lui rapportait un peu plus d’argent. Les autres n’étaient pas vraiment d’accord sur la manière dont ils devaient en penser. Beaucoup étaient d’accord pour dire que la fin justifie les moyens, donc que l’argent était plus important que le reste alors que d’autres pensaient que c’était beaucoup trop de risque. De ce que j’ai cru comprendre, ce n’est pas légal… mais si cela permet de gagner plus d’argent, devrais-je tenter ma chance ? Après tout, ma dette ne semble pas s’amenuiser autant qu’elle le devrait alors que je rembourse autant que je peux avec la totalité de mes économies chaque mois.
Je soupire doucement, pas sûr de ce que je devrais faire. Ma situation me semble inextricable. Malheureusement, je ne vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre… J’apprends encore à vivre dans ce monde étrange. Il m’arrive encore beaucoup trop souvent de ne pas faire les choses correctement, ce qui me vaut bon nombre de remontrances. Ah… Je suis fatigué…

Je m'assois sur un banc en tenant contre mon torse le paquet qui m’a été confié. Comme un enfant qui tenait son doudou, il me semble. Ce n’est pas très confortable. Heureusement, il y a un dossier. Grâce à ça je peux lever la tête vers les ciel sans manquer de tomber à la renverse comme cela m’arrive bien trop souvent depuis un moment. Je n’ai plus d’équilibre, je pense. Je le ressens aussi au travail. Je me demande ce qu’il m’arrive…
Il fait noir. La nuit est tombée depuis un moment et je viens de sortir du travail. Habituellement, je rentre directement chez moi mais, aujourd’hui, mon patron m’a demandé un service. Vu tout ce qu’il a fait pour moi, je ne peux pas lui refuser ça. D’autant plus que c’est simple, paraît-il. Je me demande si je vais pouvoir me renseigner sur ce travail dangereux mais qui permet de gagner plus d’argent. Je verrais quand la personne que je dois rencontrer sera là. Je ne sais pas à quoi il ressemble, ni même son nom. Tout ce que je sais, c’est qu’il s’agit d’un “homme à tout faire”. C’est ce qu’on m’a dit, et que je le reconnaîtrais tout de suite. Je me le demande… Je n’y vois pas grand-chose, sans doute à cause de la fatigue. Je crois… J’en sais rien, en fait…

Quelqu’un arrive. Je tourne la tête vers cette personne en me redressant. Je me demande s’il s’agit de cette personne qui vient chercher le colis. Quelqu’un d’autre ? Je ne peux pas savoir puisque je ne sais pas à quoi elle ressemble, la personne que j’attends. Aurais-je dû insister… ? Non. Cela aurait été mal. Si le patron dit quelque chose, je dois l’écouter. Il sait mieux que moi ce qu’il convient de faire. Il a toujours su mieux que moi. C’est mon bienfaiteur.

L’homme s’approche jusqu’à être à quelques pas de moi. C’est alors que je me pose la question : comment fait-on pour reconnaître un homme à tout faire ? Est-ce que cela doit se voir dans son apparence ? Dans son attitude ? Dois-je le croire sur parole ? Sauf que si je me trompe, je risque d’avoir des ennuis… Pourquoi n’ai-je pas eu une description physique plus détaillée… ? Je regrette de ne pas avoir insisté. Pourtant, l’idée m’amène en tête une série de réactions qui me font frissonner. Il aurait été en colère, quoi que je lui demande, j’en suis certain… Après tout, ne pas savoir quelque chose de si évident et naturel et pour les autres n’est pas normal, n’est-ce pas ? Je vais devoir redoubler d’efforts pour que ce genre de situation ne se reproduise pas…
Loin de tous mes doutes, le nouvel arrivant m’adresse la parole. Je ne comprends pas trop ce qu’il veut dire en m’appelant son copain, mais il me semble qu’il m’ait donné son identité, non ? Daemon… Est-ce un prénom ? Un nom ? Un surnom ? Je n’ose pas le lui demander. D’autant plus que j’ai bien plus important à penser, comme le fait qu’il ait des vues sur mon paquet. N’importe qui aurait pu le vouloir de cette manière, ne serait-ce que par curiosité, non… ? J’hésite beaucoup, gardant le paquet contre moi, tandis qu’il sort sa main de sa poche. Que va-t-il faire… ?

Mon inquiétude est mise sur sursis puisqu’il est interpellé par une sonnerie. Cela ne peut pas venir de moi, le seul appareil de communication que j’ai en ma possession ne sonne pas de cette manière. J’imagine donc que cela vient de quelque chose qui lui appartient. Hypothèse qui se confirme alors qu’il sort quelque chose de son manteau après avoir poussé un soupir. Puis, après s’être excusé, il semble parler à quelqu’un d’autre.
Je me désintéresse totalement de la conversation. Ce n’est pas quelque chose qui me concerne. Et si c’est le cas, j’imagine qu’il me le dira. Je remarque tout de même que l'intonation de sa voix change à mesure qu’il parle, jusqu’à ce qu’il me fasse sursauter en haussant la voix. Inquiet, je le regarde à nouveau pour être certain d’être prêt en cas de problème. Sait-on jamais… Je ne le connais pas…

Il finit par ranger son appareil là où il l’a trouvé et se tourne à nouveau dans ma direction en toussotant. Il semble voul-... Ah… Le paquet sans doute. Pourtant, il n’insiste pas et cherche à me demander de l’aide. Je penche légèrement la tête sans trop comprendre comment il en est arrivé à la conclusion que je pouvais le faire. Je ne suis qu’un modeste, voire médiocre, serveur… Il me montre malgré tout une photo. Je soupire doucement avant de me rapprocher de près en plissant les yeux pour essayer d’avoir une vision plus nette de ce qu’il me montre. C’est… un coffre ? Mais…



Oui, mais où déjà ? Et… pourquoi en aurait-il besoin ? Qu’en ferait-il ? Que contient donc ce coffre ? Je ne suis sûr de rien et je crains de faire quelque chose de mal, que ce soit en donnant le paquet ou l’information qui n’est finalement qu’une simple supposition. Si seulement j’arrivais à y voir un peu mieux ou que je pouvais regarder plus longuement… Mais je n’ose pas prendre trop de temps de crainte d’énerver cet homme. C’est pourquoi je me suis relevé en avouant que je pense avoir déjà vu cet objet. Devrais-je poser mes questions ? Rien ne me dit qu’il me répondrait…

Mon attention est complètement concentrée sur cette image et l’endroit où j’aurais pu voir l’objet qu’elle représente. Tant que je ne sais pas ce que c’est, où il est et à qui, je ne peux pas réellement en parler. Cet homme se mettrait certainement en colère si jamais je venais à lui donner une information qui se révèle finalement être fausse. Je ne veux pas le mettre en colère ou lui mentir en pensant dire la vérité…

Quand il reprend la parole, je crois qu’il a mal comprit ce que je voulais dire. On dirait qu’il croit que je ne veux pas lui dire où est le coffre parce que je n’ai pas confiance. C’est vrai que je ne le connais pas, mais ce n’est pas la raison de mon silence… Je me demande pourquoi cet objet serait si important pour lui. Et si c’est le cas, pourquoi il le cherche si soudainement après un coup de fil alors qu’il n’a vraisemblablement pas encore récupéré ce qu’il était venu chercher. Puis, c’est quoi ce geste qu’il me fait ? Je ne le comprends pas du tout, ça ne me met pas du tout à l’aise. Je pensais qu’avec ça, il me laisserait lui répondre, mais il ne lui faut pas plus de quelques secondes pour reprendre la parole et renforcer la sensation que j’ai qu’il a mal compris ce que je voulais dire. Je n’aime pas du tout quand les choses se passent de cette manière, qu’on comprend mal mes intentions ou mes pensées alors que je ne cache rien.
Lorsque la menace de mort tombe, je pâlis un peu plus que je l’étais déjà, me donnant sans doute un air blafard alors que je le fixe avec des yeux ronds de surprise. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on me dise une telle chose alors que je n’ai rien fait de mal. Puis, je ne veux pas mourir ! Cette perspective m’empêche de penser rationnellement ou même de réfléchir alors que j’essayais de mieux me rappeler de ce coffre, ce qui m’empêche au bout du compte de lui donner la réponse qu’il souhaiterait entendre.

La peur m’amène à tendre le colis à deux mains alors que mes tremblements sont extrêmement visibles. Je ne le regarde plus non plus alors que je suis terrorisé à l’idée de potentiellement voir ma vie se terminer alors que je n’avais pas spécialement l’intention de cacher quoi que ce soit. J’essaie de réfléchir, de trouver des réponses, de donner à cet homme dangereux ce qu’il veut pour sauvegarder ma vie, même si celle-ci est loin d’être joyeuse.
C’est difficilement que je finis par dire à mi-voix, toujours tremblant comme une feuille, avec très peu d’assurance et énormément de pincettes :



Et si je ne peux pas me rappeler, je ne pourrais jamais lui donner la moindre réponse même si ma vie est en danger. Est-ce qu’il va le comprendre ? Va-t-il penser que je lui mens ou que je veux le tromper ? Cela n’a jamais été mon but… Je n’ai aucune raison de mentir ou de le tromper. Je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle cet objet est si important pour lui, il ne me l’a pas expliquée, mais il l’est peut-être aussi pour quelqu’un d’autre. Je n’ai aucun moyen de le savoir tant qu’on ne me le dis pas, malheureusement. Tant de problèmes alors que j’étais juste là pour livrer un colis… J’en peux plus…