Une petite boutique serrée entre deux autres commerces s'était installée il y a quelques années maintenant au coeur de Jurong East. La devanture, bien que pas très large, détonnait au milieu des autres commerces par son originalité et son côté ancien de style art nouveau au dessus de laquelle on pouvait voir écrit à la peinture fraîchement retapée : L'Escargot Turbulent.

A l'intérieur de cette boutique toute en longueur où il était un peu difficile de circuler à plusieurs, de larges étagères vitrées offraient à la clientèle le plaisir d'observer tout un tas d'objets étranges et insolites de son cabinet de curiosité. Tous n'étaient pas à vendre, aussi une grande partie des étagères était réservée aux articles que l'on pouvait acheter. Des pierres précieuses, des bijoux ésotériques, des attrapes-rêves, des cercles de régénération pour les pierres et tout un tas d'articles qui attiraient les curieux comme les amateurs de ce genre.

Le comptoir était au fond du magasin et derrière ce dernier, une porte privée donnait l'accès à ce qui servait à la fois d'arrière boutique et de chambre à Abigail. Beaucoup de plantes venaient agrémenter le tableau et donnaient à l'établissement, bien qu'exigü, une allure agréable.

Tous les jours, la petite lapine faisait la poussière sur ses vitrines et arrosait ses végétaux ; cela faisait partie de sa routine et lui faisait du bien au moral. Ce matin n'y fit pas exception et elle s'affairait avant l'ouverture de sa boutique à ce que tout soit parfaitement en ordre pour ses clients.

Mais des clients, il y en avait peu, malgré tout le mal qu'elle se donnait pour les attirer et leur proposer un environnement de qualité. Elle ne désespérait pas pour autant ; du moment qu'elle parvenait à joindre les deux bouts et à pouvoir acheter les confiseries pour sa maman qu'elle allait voir à l'hôpital après la fermeture de l'échoppe.

Cette matinée avait donc commencé calmement, avec quelques clients curieux dont seulement un lui avait acheté quelque chose. Et elle aurait largement préféré qu'il en soit ainsi pour le reste de la journée plutôt que de devoir traiter avec l'homme qui fit irruption dans sa boutique pour quelque chose de bien plus sombre. Cet homme là, elle savait bien que ce n'était pas pour les jolies choses qu'elle vendait qu'il était là.

Non, il venait pour récupérer quelque chose planqué dans l'arrière boutique. Sauf que normalement les trafics de drogue avaient lieu à des heures bien plus tardives où elle n'avait pas de clients, c'était une condition sur laquelle elle avait beaucoup insisté malgré le fait qu'elle n'aie pas vraiment son mot à dire.

Abigail déglutit alors en l'accueillant, essayant d'y mettre les formes comme elle le ferait pour n'importe quel autre client.

« B-Bonjour et bienvenue à l'Escargot Turbulent... Puis-je vous aider avec quelque chose ? »

L'homme eut un sourire mauvais et s'approcha du comptoir contre lequel il s'appuya sans aucune gêne.

« J'ai un paquet à récupérer pour Zakita. Tu dois avoir ça pour moi dans un coin. »

Mais alors qu'elle s'apprêtait à aller récupérer le fameux paquet dans sa pièce privée, le tintement du carillon de l'entrée du magasin se fit entendre et provoqua un sursaut chez la lapine. Elle murmura d'une voix fébrile pour ne pas être entendue par le nouveau client qui venait d'entrer et pour ne surtout pas paraître agressive envers l'homme qui était venu récupérer sa drogue :

« Vous aviez promis que ma clientèle ne serait pas impactée... »

L'homme, toujours avec son air mauvais, commença légèrement à s'impatienter et répondit avec une intensité de voix normale sans se soucier de la présence de l'homme qui était entré dans le magasin.

« Personne n'est dérangé là, tu vois bien. Allez grouille toi de me donner mon truc que je me tire de là. J'ai pas toute la journée. »

Elle hocha la tête et passa cette dernière par dessus l'épaule de l'homme pour s'adresser au client potentiel avant qu'il ne fuit.

« Bienvenue à l'Escargot Turbulent ! Je suis à vous dans un instant, n'hésitez pas à faire le tour des articles en attendant ! »

Puis elle s'engouffra dans l'arrière boutique pour chercher le paquet en question qu'elle fourra sous son bras en essayant de le cacher avec ses vêtements avant de revenir dans la pièce principale et le donner le plus discrètement possible à l'homme qui le fourra dans sa veste d'un geste nonchalant.

« Bah tu vois, c'était pas si compliqué. Allez je m'arrache ! »

Et il se dirigea vers la sortie tandis qu'Abigail essayait de ne pas baisser les oreilles à cause du stress que toute cette situation avait engendré dans son petit coeur de lapin.